Un café & l'addition {R.}

Sujet réservé à Charlie C. Galloway.

Huit-heures trente. Janus entra dans le Starbucks Coffee, comme il faisait très régulièrement depuis des mois. Jetant un regard circulaire dans la pièce, il repéré sa muse, assise derrière le comptoir à attendre que des clients n’arrivent. Il n’y avait jamais beaucoup de monde à cette heure-ci et c’était tant mieux. Cela lui permettait ainsi de pouvoir discuter avec celle dont il ne connaissait même pas le nom. Ce n’était rien pourtant, un nom. Juste quelques lettres utilisées pour former un mot afin de nommer une personne, pour lui donner une identité propre. Mais non, elle ne lui avait rien dit. Chaque fois qu’il essayait d’en savoir un peu plus sur elle, elle esquivait et changeait de sujet bien plus vite que son ombre. Ce matin là, donc, Janus entra dans le Starbucks Coffee, se plaça juste devant-elle et, un sourire joyaux aux lèvres demanda : « Serait-il possible, que, dans votre grande mansuétude, vous m’accordiez le doux plaisir de boire un café décaféiné avec une goutte de lait ? » Il avait employé un ton aristocratique gonflé de suffisance, mais le sourire qu’il arborait alors lui faisait perdre tout son credit. « Non, plus sérieusement, je voudrais bien ma dose quotidienne de non-caféine. »

On pouvait voir quelques cernes sous ses yeux encore endormis. Et pour cause, l’enseignant n’avait pas beaucoup dormi la nuit précédente. En effet, il n’avait cessé de se tourner et de se retourner dans son lit, pensant aux sentiments qu’il éprouvait pour cette jeune femme. Ce n’était pas qu’un attrait physique quelconque, non, il s’agissait là de véritables sentiments qu’il avait découvert quelques temps auparavant mais qu’il hésitait à dévoiler. Il avait peur. Peur qu’elle ne le rejette pour quelque raison que ce soit, pour son âge peut-être. Après tout, il avait déjà trente-cinq ans. Ou plus probablement parce qu’elle devait déjà avoir un petit ami, elle était bien trop belle pour être seule, et qu’elle ne le considérait que comme « le client sympa qui vient presque tous les matins boire son déca’ avant d’aller en cours ». Enfin, il était de nouveau là, devant elle, à se demander s’il devait ou non tout lui dire. Et si oui, comment aborder le sujet.

{Voilà voilà ! xD J’espère que ça te convient à peu près .. ^^}

Dire que Charlie avait mal dormi aurait été un euphémisme, le voisin de chambre tabassant sa femme, elle s'était levée et avait quasiment fracassé la porte, elle était tombée sur ce à quoi elle s'attendait, d'une ferme assurée elle avait prit le petit bout de femme recroquevillé dans un coin par la main sous l'œil effaré du mari et l'avait amené à sa propre chambre. Le mari avait tambouriné pendant dix bonnes minutes et avait décidé de partir. Le reste de la nuit, Charlie l'avait passé au chevet de la femme qui parlait de ses problèmes tout en buvant le lait chaud que lui avait donné la jeune serveuse. Puis finalement la femme s'était endormie dans le lit de Charlie. Ainsi, le lendemain, la tête qu'elle affichait était une tête pas des plus commodes, épuisée, les traits tirés, et des cernes immenses. Pourtant un sourire éclaira son visage lorsqu'elle vit rentrer Golden, Shakespeare. Il illuminait toujours sa journée, mais après repartait à l'école d'art, les visites en ce moment étaient on ne peut plus brèves avec l'étau qui se resserrait des examens. Alors vous comprendrez sa joie lorsqu'elle l'entendit débiter son habituelle commande qu'elle connaissait par cœur. Lui aussi, pour elle ne savait quelle raison avait des poches sous les yeux, elle n'était donc pas la seule à avoir passer une mauvaise nuit.

Et ça n'enlevait rien à son charisme, elle se secoua la tête en s'interdisant d'avoir de telles pensées, qu'était t'elle au fond ? Juste celle qui lui donnait son habituel décaféiné, rien de plus. Elle avait souvent demandé à sa meilleure amie comment était t'il sur le plan professionnel du terme, c'est d'ailleurs ainsi qu'elle avait découvert ce qu'elle ressentait étant donné que son amie n'était pas dans le genre stupide.

« Allez vous asseoir, je vous fais ça. »

répondit t'elle dans un sourire éclatant digne d'une pub freedent white. Elle se retourna vers la cafetière adéquate et versa l'or noir dans la tasse qu'elle lui réservait tout le temps, une tasse en apparence basique mais qui avait la sous tasse fêlée, c'était la première qu'elle lui avait donné en s'excusant et en voulant la remplacer mais il avait objecté. Depuis elle lui donnait toujours la même, bah elle finirait bien par se briser cette sous tasse. Elle mit la touche de lait qu'il aimait tant et le sucre et demi. Et comme il paraissait fatigué, elle rajouta un chocolat noir. Rien de meilleur pour ajouter un regain de vitalité.

Charlie se dirigea vers la table où il était assit, il faisait mine de regarder tout le petit monde qui était vraiment petit à cette heure ci lorsqu'elle posa sa commande sur la table. Elle ne s'assit pas, jamais elle ne le faisait de son propre chef.

HJ : Ca me convient mais pas qu'à peu près :bigsmile:

« Allez vous asseoir, je vous fais ça. » Rien que cette phrase le fit frissonner de plaisir. Dès qu’elle s’adressait à lui, il ne pouvait s’empêcher de réagir comme un gamin de quinze, à qui la plus belle fille du collège s’adresse pour la première fois. Son sourire aussi, s’il était digne des publicités pour Freedent Blancheur, était magnifique. Elle irradiait de tous les pores de sa peau. Son visage était incomparable, plus beau que la Joconde – qu’il trouvait d’ailleurs très moche – plus beau même que les tableaux de Raphael au summum de don art. Plus expressif que ceux de Van Gogh. Elle était unique, et il regrettait de plus en plus de ne pas arriver à se lancer.

Il alla s’assoire sur une confortable banquette près de la fenêtre, attendant patiemment qu’elle prépare son café, sans pour autant détacher ses yeux d’elle, du moment qu’elle avait le dos tourné et ne pouvait voir à quel voyeurisme dégradant il se livrait. Certes, il ne la voyait pas nue, il ne regardait même pas ses fesses – qu’il trouvait exquises au demeurant – mais tout de même, Janus ne pouvait s’empêcher de penser que la regarder ainsi était déplacé. Probablement à cause de sa foutue éducation britannique. Elle revint alors et il remarqua qu’elle avait ajouté un chocolat avec son café. Il la remercia d’un sourire, avant d’ajouter : « Merci beaucoup ! Pour le chocolat aussi. J’adore ça … » Et là, il ne sut qu’ajouter. Il ne voulait pas lui dire comme ça, de btu en blanc qu’il voulait qu’elle reste. Regardant autour de lui s’il y avait beaucoup de clients, il put voir avec plaisir que ce n’était pas le cas. Alors, un sourire aux lèvres et sur un ton amusé, il proposa : « Si vous avez du temps à perdre avec un ennuyeux professeur d’Histoire de l’Art, je vous propose que nous bavardions tranquillement. Se moquer du peu de clients présents, me paraît un bon début ! » Janus se laissa aller à un petit éclat de rire. Non, il ne s’amusait pas à se moquer méchamment des gens qu’il croisait. Mais les critiquer un peu, en grossissant leurs travers visibles était assez amusant, tant que cela ne devenait pas gratuit et méchant. D’autant plus qu’il était une personne extrêmement tolérante.

Comme d'habitude le silence qui s'installa après la commande fut réduit par Janus, elle adorait l'entendre parlait de tout et de rien, elle aimait qu'il l'écoute car personne avant lui excepté sa meilleur amie ne l'avait fait. C'était une véritable conversation entre ces deux individus dont personne se souciait, lui le professeur d'histoire de l'art banal avec l'éducation bien british et elle la servante orpheline qui n'était partit de rien et qui arrivait à bien servir aujourd'hui un café dans la grande ville de Miami plus dure que n'importe quel juge. Elle l'écouta débiter son habituelle invitation, qui aujourd'hui changeait encore. Et il rit, elle adorait l'entendre rire, ça la faisait sourire à son tour. Elle s'assit donc en face de lui, toujours en face, avec la caraffe de café toujours en main. Elle était épuisée, mais elle s'en fichait car l'écouter parler de tout et de rien la ravisait, elle avait apprit tant de choses avec lui sur l'art. L'entendre parler de sa matière la fascinait, elle en oublait le monde extérieur et n'avait d'yeux que pour lui. Mais aujourd'hui semblait être différent, malgré ses boutades, et le fait qu'elle soit fatiguée elle avait quand même remarqué la tension qui résidait dans son être tout entier, il semblait concentré sur quelque chose d'autre.

« Vous allez l'air préoccupé Golden. »

lui dit t'elle en l'appelant par son habituel surnom qu'elle lui donnait toujours en référence à son coeur d'or. Ici pas de Janus ou de Shakespeare, non ici c'était Golden, il n'avait pas manifesté d'objection la première fois alors elle continuait, tandis que lui ne savait rien de son identité.

A son invite, elle vint s’assoire en face de lui. A la même place que d’habitude, la carafe de café toujours dans les mains. Elle semblait épuisée et il n’y avait pas l’ombre d’un doute que la jeune femme n’avait pas beaucoup dormi la nuit précédente. Seulement, ce n’était très probablement pas pour les mêmes raisons que lui. Raisons et pensées qui le taraudaient toujours. Janus était bien incapable de s’en défaire et si elle faisait suffisamment attention – chose qu’il souhaitait éviter – elle pourrait alors voir que lui aussi était préoccupé et qu’il avait de petites poches sombres sous les yeux.
Alors, ce qu’il redoutait tant arriva, elle avait remarqué son air préoccupé et s’en inquiétait. Mais pourquoi grand Dieu fallait-il qu’il ait l’air préoccupé ? Pourquoi n’était-il pas comme tous ces gens qui peuvent penser à une foule de choses en même temps sans que cela ne se voit sur leur visage ? S’il avait tendance à sauter du coq à l’âne, à laisser nonchalamment ses pensées vagabonder vers d’autres cieux, et ce même lorsqu’il faisait ses cours, jamais il n’arrivait à garder un visage totalement impassible. Certains auraient mis ça sur sa condition « d’artiste », mais lui savait que c’était tout simplement parce qu’il ne savait pas. Jamais il n’avait eut à cacher ce qu’il ressentait mais à ce jour, Janus aurait aimé que quelqu’un le lui apprenne. Cette question le prit de cours, aussi ne fut-il capable de répondre un bafouillage digne d’un gamin de cinq ans.

« Comment ?! Je ... Non ... Rien … Merci, tout va très bien ! » Son visage se crispa momentanément sur un sourire qu’il voulut rassurant, mais ne rendait compte que se son mal aise flagrant. Elle allait le prendre pour un taré, c’était sûr. Comment un homme de trente-cinq ans pouvait-il bégayer de la sorte ? Qu’il devait avoir l’air ridicule … Que ce devait-être affligeant de le voir ainsi, à ne pas savoir quoi dire ou quoi faire. Alors, puisque de toute manière, il ne pouvait probablement pas avoir l’air plus ridicule que cela, il décida de se lancer et de l’inviter à dîner.
Mais il était trop dur de faire ça tout en la regardant droit dans les yeux, il avait bien trop peur de sa réponse et du probable refus qu’elle lui donnerait. Alors, tout en regardant ses mains auxquelles il trouva un intérêt tout particulier, Janus répondit : « Enfin c’est à dire que … Heu … Je me demandais si vous étiez libre demain soir … »

Charlie éclata de rire lorsqu'elle le vit se démener comme un gamin de cinq ans. Le fait que lui, bafouille alors qu'il était auparavant si assurée était étrange à constater. Mais son sourire s'effaça lorsqu'il lui proposa le rendez vous. Elle posa sa carafe en soupira et en le regardant, lui qui semblait trouver si intéressant sa paire de menottes de grand gaillard. Elle se leva en laissant son café sur la table et s'assit en équilibre sur ses pieds, à la hauteur du siège de Shakespeare.

« Vous ne connaissez même pas mon nom. »,

déclara t'elle, les sourcils froncés d'inquiétude, un léger sourire sur ses lèvres pleines. Elle posa une main sur la sienne.

« Je ne sais vraiment pas ce que vous me trouvez, si vous me trouvez quelque chose Golden. Et je ne... »

elle soupira en resserrant la poigne qu'elle avait sur les mains de Janus.

« Je ne suis pas faite pour un homme comme vous. Je suis pas une fille bien. »

elle esquissa un sourire et remonta ses manches pour reprendre sa carafe et se rasseoir en face. Ça n'était pas fini, elle le sentait, vu le caractère têtu de Janus et le désir violent que Charlie avait de dire oui. C'était la chose la plus...gentille qu'on lui est proposé, les autres n'étaient pas aussi doux, et patients. Cela faisait tellement longtemps qu'il semblait avoir attendu. Et comme d'habitude elle se haïssait, elle n'avait pas été à la hauteur, elle l'avait blessé. Et ça la faisait aussi souffrir. Pourquoi ne s'autorisait t'elle pas un peu de bonheur et de plaisir ? Pourquoi ne cédait t'elle pas à ses pulsions et ses envies rien qu'un instant, un court instant, une micro seconde dans l'univers. Elle avait assez souffert, elle se punissait toute seule alors qu'elle n'avait jamais rien fait de mal, non justement elle n'avait fait que le bien le restant de ses jours, toujours à penser aux autres avant elle.

Lorsqu’elle éclata de rire, Janus se sentit mal et ne sut comment réagir jusqu’à ce qu’il se rende compte que ce n’était pas ce qu’il disait qui en était la cause mais le fait qu’il ai bégayé. Alors, elle posa la carafe, et se plaça devant lui, accroupie. Il ne sut pas pourquoi car dans cette position, elle était plus petite que lui, mais elle pouvait voir ses yeux ce qui n’était peut-être pas négligeable. Elle fronça les sourcil, visiblement inquiètes pour une raison qui lui échappait totalement et lui annonça qu’il ne connaissait même pas son prénom. Parce que ce devait être un obstacle ? Combien de personnes avaient-elles déjà partagé un moment privilégié sans connaître l’identité de l’autre ? Combien de personnes avaient-elle déjà menti à propos de cela ? Eux, ne se mentaient pas. C’était du moins ce que Janus avait la naïveté de croire – quoi que cela fusse l’entière vérité – et il préférait ne pas connaître son prénom et apprécier les moments qu’il passait avec elle plutôt que le contraire.
Janus ne savait comment réagir, elle agissait bizarrement. Elle posa sa main sur la sienne, soupira, presque à regret et refusait d’accepter parce qu’elle ne se considérait pas assez bien pour lui. Alors, elle revint s’assoire en face de lui. L’enseignant l’observa un moment, cherchant ses mots, se demandant comment tout lui expliquer. Alors, il fit comme d’habitude et laissa son cerveau et sa raison en dehors de toute cette conversation.

« Si je ne te connais pas votre prénom, ce n’est que parce que vous n’avez pas jugé utile de me le donner. Mais pensez-vous réellement qu’un prénom soit important dans une relation, quelle qu’elle soit ? Le prénom ne sert qu’à nous différencier les uns des autres, ils n’influent pas notre vie, ce ne sont pas eux qui nous disent si l’on doit faire si ou ça et si vous voulez tout savoir, je me fiche de ne pas connaître le votre, cela ne m’empêche pas de souhaiter passer une soirée avec vous. » Il se tut un instant, tentant de voir dans ses yeux qu’elle finirai par dire oui ou au moins qu’elle prenait ses paroles en considération. Alors, il reprit, toujours aussi calme. « Et puis-je vous demander ce que veux dire « être une fille bien » ? Je n’ai jamais compris ce concept, peut-être parce que je suis tout ce qu’il y a de plus athée. Parce que franchement, qu’est-ce qui vous fait dire que vous n’êtes pas une fille pour moi ? Je ne savais pas qu’il y avait un type de femme réservés à un type d’hommes et que si l’on dépassait ces groupes, cela ne pouvait pas se faire. Que faites-vous si deux personnes qui souhaitent sortir ensemble un soir, sont dites « non-compatibles » ? Ce n’est pas un crime que je sache, non ? Et puis merde ! Qu’est-ce qui vous fait dire que vous n’êtes pas une fille bien ? Vous êtes adorable, serviable, souriante, intelligente et cultivée. Que demande le peuple ? » Il venait de tout dire d’une traite, s’en s’arrêter une seule pour reprendre son souffle et c’est ce qu’il fit pendant quelques fractions de secondes, avant de reprendre, pour conclure. « Je … Je veux juste dîner avec vous, que m’importe que les autres cons dehors n’approuvent pas ! »

Charlie le regarda s'emporter, là elle resta silencieuse, l'on aurait dit que n'importe quoi aurait pu arriver, une bombe, n'importe quoi, il serait resté là à attendre une réponse. Elle le regarda essoufflé, une position qui prêtait encore à l'explication. Elle aurait tellement voulu dire oui. Parce qu'il était si gentil, si doux, si...beau et que à chaque fois qu'elle lui servait son café elle en réprimait ses frissons. Oui mais voilà, elle s'interdissait ce genre de relation, magnifique à l'eau de rose, pour la bonne raison qu'elle était maudite. Et que si elle l'était ça n'était pas pour rien, elle n'avait jamais cru au destin et ce genre de trucs. Mais quand tant de merdes vous tombent sur la figure au moment où vous pensez que vous allez finir heureux...il doit y avoir quelque chose. Quelque chose qu'elle avait mal fait, à un moment ou un autre. Elle leva son regard vers Janus, peut être que la malédiction était levée hein ? Peut être qu'elle avait le droit d'être heureuse ? La réponse, elle ne la connaissait pas. Et elle ne voulait pas tenter le diable.

« Les apparences sont très souvent trompeuses. »

Elle s'arrêta un instant et le fixa avec un peu plus d'intensité, la main de Shakespeare était posée sur le sol, elle tapotait doucement, Charlie posa la sienne sur elle. La sensation ne se fit pas attendre, un frisson, rien qu'un beau frisson. Rien ? Point du tout, énormément pour elle.

« Est ce que j'ai quelque chose de plus ? »

elle semblait perdue en relâchant l'étreinte douce qu'elle avait procurée sur la main de son interlocuteur. La question n'était pas qu'est ce que j'ai de plus. Parce qu'elle n'avait tellement pas d'estime d'elle qu'il était impossible qu'elle s'adonne à cette interrogation là.

« Les apparences sont très souvent trompeuses. » Pardon ?! Et qu’est-ce que ça veut dire ça ?! Janus était perdu, elle semblait si prête à dire oui, alors que toutes les réponses qu’elle lui donnait étaient soit négatives, soit trop évasives pour qu’il puisse les prendre en compte. Il ne comprenait pourquoi est-ce qu’elle le laissait espérer, sans donner de réponse vraiment précise. Pourquoi est-ce qu’elle posait sa main sur la sienne alors qu’elle se refusait farouchement à lui. Ils avaient tant discuté qu’il croyait la connaître mais Janus se rendait compte que ce n’était pas le cas. Sinon, comment expliquer le fait qu’il ne comprenne pas son comportement ? Il l’aimait, cela ne faisait aucun doute et à trente-cinq ans, il se refusait de passer à côté du bonheur sans tenter de le saisir au vol.

Elle le regardait intensément, comme si elle n’attendait que quelques arguments de plus pour céder. Sa main se posa sur la sienne et Janus ne la bougea pas, il n’avait pas envie de rejeter ce geste qu’il considéra comme un léger signe d’affection. Alors, la question qu’elle posa le déconcerta plus qu’il ne l’avait jamais été. Avait-elle quelque chose de plus ? Mais que voulait donc dire cette question pour le moins étrange ? La seule réponse qui lui vint à l’esprit à cet instant fut : « Vous êtes vous. N’est-ce pas là déjà une preuve du fait que vous êtes une personne unique ? » Là, il ne put que secouer la tête, cette réponse ne voulait rien dire, c’était comme s’il venait de dire à cette adorable jeune femme qu’il se moquait d’elle, comme s’il ne ressentait rien pour elle, ce qui n’était pas le cas.

« J’ai beau ne pas connaître votre nom, cela ne m’empêche pas de vous trouver drôle, attachante, adorable, serviable, souriante, intelligente et cultivée. Je… Je… ne peux rien ajouter. Si ce n’est que j’ai véritablement envie de dîner avec vous. Et si vous dites non, soyez sûre que je n’insisterai pas. Mais je ne reviendrai pas. Il me serait trop douloureux de venir ici en sachant que les sentiments que j’éprouve pour vous ne sont pas partagés. » Ce n’était pas une menace en l’air, Janus était tout ce qu’il y avait de plus sérieux. Jamais il ne pourrait supporter de la voir en sachant qu’elle ne l’aimait pas, alors autant ne plus venir dans ce café, si elle disait non. Cela serait bien moins douloureux.

Charlie retira sa main, elle se trouvait face à un dilemne tel qu'elle en avait rarement connu. Toute sa vie avait été remplie de choix plus ou moins importants, elle était une des rares personnes qui ne croyaient ni au destin, ni à la superstition ou tout ce genre de ramassis. Elle avait les pieds sur terre. Et pourtant. Lorsque Janus avait pour la première commander son café et l'avait invité à s'asseoir elle l'avait tout de suite apprécié, il était rare qu'elle aime rapidement, et pourtant c'était arrivé, c'était une évidence, oh bien sûr elle ne lui faisais pas confiance, pas encore parce que ça elle en était incapable. Elle ravala sa salive, en froncant les sourcils, tentant de comprendre.

Alors ce n'est pas juste un dîner en l'air...c'est parce que vous avez des sentiments...

elle avait du mal à saisir comment un homme si bourré d'intelligence, de charisme et de culture se soit tourné vers elle, si médiocre

...pour moi ?

non c'était impossible, et pourtant c'est bien ce qu'il avait laissé dire dans la dernière partie de sa phrase, ses yeux lui piquèrent, elle se refusait de pleurer devant lui, pendant qu'elle travaillait. Mais l'émotion pouvait être à n'importe quel tournant, n'importe quel moment. Et si elle disait non, elle ne pourrait plus le revoir, il ne commanderait plus jamais son café sans caféine, avec sa touche de lait. Et ça c'était trop douloureux pour être accepté.

Cette jeune femme semblait ne pas pouvoir admettre qu’il puisse éprouver les moindre sentiments à son égard. Voilà qui expliquer peut-être en partie le comportement qu’elle avait depuis le début de leur discussion. Elle lui demanda alors s’il éprouvait réellement des sentiments pour elle. Ce fut alors Janus qui prit sa main. Il posa ses yeux dans les siens, son regard était intense et on pouvait y lire tout l’amour qu’il portait à cette jeune femme. Il tenait à elle, et cela était indéniable.

« Oui. J’éprouve des sentiments pour vous. Et si je puis me permettre, ils sont ce que l’on nomme, des sentiments forts. Il ne s’agit pas là d’une simple affection amicale, mais de bien plus … » Sa voix s’était faite de plus en plus basse au fur et à mesure qu’il parlait. Peu habitué à parler de sentiments, il ne venait pas d’une famille où on les exposait sans problème. Il l’interrogea alors du regard, comme s’il n’était pas sûr qu’elle avait compris ce qu’il voulait dire ou comme s’il voulait savoir si ses sentiments étaient réciproques ou non.
Janus appréhendait énormément la réponse qu’elle lui donnerai car il savait que si elle était négative, cela lui ferait immensément mal. Cependant, le professeur savait également que l’on ne pouvait forcer les gens à nous aimer et qu’il valait mieux qu’il s’éloigne simplement d’elle plutôt que de la harceler pour qu’elle daigne accepter un rendez-vous avec lui. Si la réponse de l’adorable blonde était positive, Janus ne savait ce qu’il ferrai, à vrai dire, cette éventualité lui paraissait la moins envisageable et la plus plausible en même temps. Ce qui donne une bonne idée de l’état dans lequel l’homme se trouvait à cet instant.

HJ : Désolée, c’est plutôt merdique …

Charlie, dans toute sa vie s'était souvent retrouvée à faire des choix, l'un deux l'avait mené à faire ce métier, elle ne le regrettait pas. Elle qui aimait bouger et rencontrer toujours des nouvelles personnes n'avait pas été déçue. Elle était surmenée, et elle apprenait chaque jour un nouveau prénom ou rencontrait une nouvelle tête. Mais Janus n'avait pas été qu'une nouvelle tête. Vous savez lorsqu'on passe sa vie à tourner à droite ou à gauche on reconnait les routes qui nous mèneront à ces tournants. Et en voyant ce professeur d'art qui avait de l'estime pour elle, chose rare, elle avait compris très vite qu'il serait une de ces routes. Si elle le laissait là, il ne reviendrait pas. Elle pouvait se lever et lui dire avec la plus grand politesse qu'elle n'était pas prête à entretenir quelconque relation avec quelconque personne. Mais il n'était pas quelconque personne, et elle ne voulait pas mentir. Pas comme ça, pas sur ça et surtout pas à lui. Non pas après toutes leurs discussions, leurs regards, leurs sourires.

Je suis...

elle cherchait le mot, ce n'était pas flattée, ce n'était pas ému, c'était entre les deux, elle aurait du plus écouter les leçons de vocabulaire que donnait sa professeur de français lorsqu'elle était jeune, ça lui aurait épargné de chercher désespérément en se couvrant de ridicule devant l'homme qui venait de lui avouer ses sentiments les plus sincères.

...touchée je crois que c'est le mot.

son nez se fronça, elle regrettait amèrement d'être aussi peu douée pour s'exprimer. Elle n'était pas douée, c'était un fait, pour ce genre de choses, du moins. Charlie, dénommée Charles par la moitié des gens qui la connaissaient et jamais appelé par l'homme qu'elle aimait se leva d'un coup. Le visage de Janus se mua dans une sorte d'expression pas loin de la peur. Et c'était compréhensible. Elle attrapa sa carafe, et dans un sourire déclara :

Je vous ressers du café sans caféine ?

Elle avait fuie toute sa vie, les ennuis, l'amour, le bonheur, dès que ça devenait trop beau elle disparaissait, dès qu'on l'aimait elle s'évanouissait. Pour un oui ou pour un non, elle était un mystère pour le génome humain. Et elle le resterait...jusqu'à la nuit des temps.

Ceci n'était pas un non, ceci était une manière habile de fuir, encore et toujours. Ceci voulait dire que Janus devrait l'aimer de tout son être pour ne réussir qu'à l'effleurer.