Pop! Goes my heart [R.]

Après avoir flâné toute la matinée dans les magasins de Miami, Anastazia entreprit la descente de la rue principale du quartier, l’allure légère - quel plaisir de dépenser la quasi-totalité de ce fucking salaire pour lequel on a trimé deux longs mois cet été au lieu de profiter de la plage, n’est-ce pas -, bien que chargée comme un mulet - entendez pas là 2 gros sacs remplis de fringues, 2 paires de chaussures, 1 chapeau de paille et 1 bijou, bref, tout l’armada habituel - ou pas - d’une fille lorsqu’elle sort d’une séance de shopping.

Pourtant loin d’être superficielle, Anastazia ne faisait pas partie de ces filles passant leur journée devant le miroir ou, pire, sur la balance, à se demander si telle robe serait à la mode d’ici quelques semaines, si tel bourrelet serait parti d’ici l’été. Elle appréciait le shopping tout autant que la silhouette humaine en tant qu’art, non en tant qu’artifice. Elle y voyait aussi un moyen de progresser dans l’une de ses passions - le stylisme - non pas celui de se fondre dans une masse qui, de toute manière, par ses goûts vestimentaires uniformes, la rebutait.

Elle ne faisait pas - non plus - partie de ces filles aux physiques de rêve, aux traits parfaits, tellement qu’on se demande si elles ne sont pas passées par la case « botox » d’ailleurs -, mais appartenait à une toute autre catégorie, celle des « ensorceleuses » : quoiqu’elle fasse, quoiqu’elle dise, quoiqu’elle porte - même son pyjama bourriquet, c’est dire -, elle avait ce truc, ce petit quelque chose qui faisait d’elle non pas un mannequin-objet - qui servirait de machine à fantasmes pour mâles en manque - mais une jeune femme différente. Atypique.

« Putain Joey » s’exclama-t-elle en se retournant subitement vers le vendeur, un ami de longue date. « T’as toujours pas reçu la dernière version du film le Come Back ! Avec les bonus et tout et tout. Tu m’avais promis que tu l’aurais cette semaine... » Le dénommé Joey, un blondinet dont l’adage pourrait être « je-surfe-donc-je-suis » - cf. son collier avec la petite planche de surf là -, s’approcha d’elle et extirpa des rangées LE film qu’elle attendait depuis des lustres maintenant. « Tu es géniaaaaaal ! » lâcha-t-elle hystérique, en sautillant sur place.

C’est alors qu’une silhouette familière entra dans son champ de vision. Marple Conroy. Son premier réflexe fut de se baisser immédiatement, histoire de se planquer derrière la rangée des DVD, le tout de manière absolument pas discrète. Joey la fixa, perplexe - encore qu’il ait désormais l’habitude des excentricités de Berkov -, puis retourna à ses affaires, ni vu ni connu. Avançant difficilement à quatre pattes - c’est là qu’on regrette le shopping hein - elle tomba finalement nez à nez avec des jambes, leva la tête et reconnut Miss Conroy. Flûte zut crotte. Raté.

« Il est là ? » demanda-t-elle en se sentant, pour le coup, un petit peu - beaucoup - ridicule. Car oui, ce n’était pas Marple qu’elle fuyait comme la peste - loin de là - mais son frère. Et plus il la mettait - directement ou indirectement - dans cet état là de pop corn dans le coeur, plus elle le détestait. Plus elle le détestait étrangement de lui faire ressentir cet inconnu qu'elle ne savait / pouvait pas encore nommer.