A Soapbox Opera [Liam <3] TERMINE

Le « American Woman » de Lenny Kravitz qu’avait mis la jeune irlandaise en sonnerie de portable hurlait dans toute la chambre de la MBCS depuis au moins 25 longues minutes. Thleen avait décidé de ne pas décrocher et se servait de la musique pour se divertir.
Uniquement vêtue d’une serviette de bain rouge sang et d’une paire de Wayfarer attrapée à la volet pour parfaire sa « tenue de scène », l’américaine faisait un playback exagéré sur les paroles du chanteur en utilisant pour micro la brosse à cheveux qu’elle avait trouvé dans la salle de bain.
Le petit numéro qui n’avait aucun spectateur se stoppa seulement quand la sonnerie s’arrêta. La jeune fille reprit son calme de manière assez surprenante et se dirigea vers sa penderie qu’elle ouvrit sans attendre pour réfléchir à ce qu’elle pourrait enfiler pour se réchauffer.
A nouveau, la musique reprit et Thleen se remit à chanter en se dandinant et en jouant d’une guitare invisible. Cette fois, et pour la première fois depuis 13 appels, elle décrocha le sourire aux lèvres. Une voix à l’autre bout du téléphone chuchotait « Ou tu es ? » … elle avait encore du mal régler quelque chose sur ce foutu appareil, elle soupira « je t’entends mal Norah ! Je suis chez moi » … « quoi ? Hein ? Parle plus fort ! … en cours de qu… ? Han ! » Sans aucun remerciement, elle raccrocha, s’empara de son emploi du temps et fut forcée de constater qu’elle avait confondu le Jeudi et le Vendredi et qu’elle ne commençait donc pas à 13h comme elle l’avait pensé mais bien à 10h et qu’elle était d’ailleurs déjà bien en retard. La jeune femme s’habilla donc à la hâte enfilant ce qui lui tombait sous la main soit un jean délavé, un tee-shirt blanc à l’effigie d’Orange Mécanique et des converses, attrapa son sac, finit son verre de jus d’orange –rien, même un retard d’une demi-heure ne lui fera jamais transgressé la règle sacré du jus d’orange -et partit le plus vite possible.

Essoufflée, Thleen ouvrit la porte du théâtre où le cours avait déjà bien commencé. L’idée était maintenant pour elle de se faire toute petite, il était hors de question qu’elle se fasse remarqué. C’était déjà un miracle qu’elle est pensée à prendre son livre.
Elle s’installa donc devant sans bruit puis demanda a sa voisine d’a coté où ils en étaient. Une fois qu’elle lui eu répondu, la jeune femme fouilla l’œuvre qu’elle avait du acheter et dont il préparait la représentation pour se retrouver à la bonne page.
Le professeur chercha des volontaires dans l’assemblée et la jeune femme s’enfonça assez dans son siège pour être sure de ne pas être vu. Malheureusement, c’est sur elle que cela tomba « Thleen … Thleen tu joueras avec … Liam, debout … on vous écoute », la journée semblait avoir si bien commencée pourtant …
Elle attrapa son livre rapidement, jeta un regard noir à Liam et monta sur scène en enlevant l’écharpe qu’elle avait autour du cou. Le bout de tissu acheté à la hâte dans une friperie retomba en bord de scène et Thleen n’y porta aucune attention. Elle ne connaissait pas son texte … elle ne connaissait pas du tout son texte ! voilà tout ce qui l’obsédé ! Plus encore que le fait de jouer avec ce très bel abruti à l’humour plus que douteux … Elle regarda les élèves et le projecteur qui l’éclairait, s’éclaircit la voix et commença sans attendre à entrer dans la peau de son personnage laissant le jeune homme maintenant en face d’elle prendre le temps pour sa tirade.

[ Pour la scène j'ai trouvé Phèdre de Racine, il y a toute la pièce sur le site mais il faudra tricher un peu et prendre des tirades un peu partout parce qu'aucune scène ne s'achéve comme on le voudrait ]

Il y avait dans cette scène une sincérité qu’aucun des deux protagonistes n’étaient capable de contrôler. En dehors même de leur professionnalisme, Liam et Thleen avait su entrer dans la peau respective d’Hippolyte et d’Aricie sans vraiment se poser de question.
Il avait suffit qu’il déclame les premiers vers pour qu’aux yeux de la jeune Bradford, il devienne « Lui », s'en était presque troublant … Vint ensuite son tour de jouer.

« Modérez des bontés dont l'excès m'embarrasse.
D'un soin si généreux honorer ma disgrâce,
Seigneur, c'est me ranger, plus que vous ne pensez,
Sous ces austères lois dont vous me dispensez. »

Le jeune homme lui rendait sa liberté et elle comprenait ce sentiment ambigu qu’essayait d’exprimer Aricie. Elle l’avait tant attendue … et il avait fallu que se soit le seul être sur terre auquel elle aurait aimé rester attachée toute sa vie qui décide de la lui rendre.
La jeune femme s’était lassée de ce genre de rôle. Lorsqu’elle avait vu sur la feuille épinglée à l’extérieur de l’école qu’elle était l’une des joueuses du rôle d’Aricie, elle avait était particulièrement fière mais légèrement agacée aussi.
Son physique fluet et son attitude légère était réellement pratique lorsqu’il était question de danse classique mais au théâtre cela devenait une tare : elle finissait toujours par se coltiner le rôle de la jeune première éperdument amoureuse. L’irlandaise aurait sans conteste préféré jouer Phèdre, cette reine sombrant dans la folie car rongée par l’amour incestueux.
Néanmoins, il fallait avouer qu’au coté de Liam, toute l’ambiguïté du personnage d’Aricie prenait du sens.

Après avoir été copieusement félicité, le professeur leur avait demandé de préparer une scène et la classe entière leur avait laissé le théâtre pour eux deux quand l’heure de cours fut écoulée.
L’idée de restait avec celui qu’il lui été arrivé de décrire comme « l’abrutie de première » auprès de ses amies n’avait bizarrement pas déranger la jeune femme. Il fallait avouer que cette scène en commun lui avait fait voir une face du jeune homme qu’elle ne connaissait pas. Qu’elle n’imaginait même pas.

La scène du théâtre était particulièrement éclairée et grâce à cela, elle avait cette faculté de permettre à Thleen de se penser seule au monde lorsqu’elle frôlait les planches. La jeune femme attendit que Liam se relève et avala le dernier quartier de clémentine qu’il lui restait entre les mains.

Ils avaient passer les 20 dernières minutes la bouche pleine à « brouilloner » la scène juste pour vérifier qu’ils connaissaient bien leur texte et qu’ils étaient capable d’enchainer leurs répliques faisant du baiser final un tabou.

Thleen finit par se placer en face de lui, le fixa dans les yeux pour tenter de ressentir tout ce que pouvait ressentir la jeune femme face au prince et commença

« Quoi ! vous pouvez vous taire en ce péril extrême ?
Vous laissez dans l'erreur un père qui vous aime ?
Cruel, si de mes pleurs méprisant le pouvoir,
Vous consentez sans peine à ne plus me revoir,
Partez, séparez-vous de la triste Aricie.
Mais du moins en partant assurez votre vie.
Défendez votre honneur d'un reproche honteux,
Et forcez votre père à révoquer ses voeux.
Il en est temps encor. Pourquoi, par quel caprice,
Laissez-vous le champ libre à votre accusatrice ?
Eclaircissez Thésée. »


Cette tragédie épique avait, il fallait l’avouer, quelque chose de résolument émouvant. Aurait-elle été capable de laisser partir l’homme qu’elle aimait comme consentez à le faire son personnage ?

La scène continua et emportait par la qualité de leur interprétation la jeune fille ne vit pas arrivé le moment fatidique où elle devrait poser ses lèvres sur les siennes.

« Le Roi vient. Fuyez, Prince, et partez promptement.
Pour cacher mon départ je demeure un moment.
Allez, et laissez-moi quelque fidèle guide,
Qui conduise vers vous ma démarche timide. »

La jeune brune approcha son visage de l’homme et malgré toute la facilité qu’elle avait à voir dans ses traits un homme pour lequel elle aurait tout donner, la jeune fille bloqua …
Thleen "revint à elle" légèrement gênée.
« je … je crois que … si … enfin, pose ta main sur ma hanche dans un premier temps » dit-elle sans même le regarder dans les yeux. La passion qu'elle avait mis dans cette scène venait de retomber et toute l'assurance qu'elle avait normalement face à lui aussi.

Elle frissonna légèrement quand il posa sa main sur sa hanche. C’est surtout sa délicatesse qui l'a surprit.

« Oui … oui c’est ça comme ça et moi je … » la jeune femme prononça ses mots en même temps que lui et cela la fit sourire. Comme ils l’avaient écrit ensemble quelques minutes plus tôt, elle posa ses mains sur son visage. Il fallait donner à ce baiser un air « pressé mais passionné » et parti comme ça l’était, ça n’était pas gagné ! Liam et Thleen ressemblaient à ce moment à deux pré-pubères qui avaient lus l’article d’un magazine pour jeune fille sur la manière dont il fallait embrasser son partenaire et -bien plus important !- sur le sens dans lequel il était conseillé de tourner la langue.
Lorsqu’enfin elle se pressa contre lui pour s’appliquer du mieux qu’elle pouvait –et Dieu sait qu’elle s’appliquait- à l’embrasser, le malaise qui s’était installé disparut. Il était Hippolyte, elle était Aricie et c’était sans aucun doute la dernière fois avant longtemps qu’elle voyait l’homme qu’elle aimait et qui, il lui avait avoué, l’aimer aussi.

La jeune irlandaise garda les yeux fermés jusqu'à la fin, même lorsque l'étreinte était achevé et que le jeune homme s'était éloigné d'elle. Un flot de sensation trop important l'avait parcouru en l’espace de quelques secondes : l’impuissance, l’attirance, la surprise, le désir et même la future sensation d’un manque …
Elle rouvrit finalement les yeux et croisa le regard sombre du jeune homme. Quand à nouveau il reposa ses lèvres sur les siennes, la jeune fille sourit intérieurement qu’il ait ressentit la même chose qu’elle et se jeta sur lui avec la même ardeur. Elle passa ses bras autour de son cou rapidement et se haussa sur la pointe des pieds en continuant de l’embrasser pour pouvoir être à son niveau.

A cet instant rien n’était plus clair. Agissait-elle pour Aricie ou pour elle ? Ces lèvres qui étaient collées aux siennes étaient-elle celle d’Hyppolite ou de son interprète ? Perdue dans les méandres d’une réflexion particulièrement importante en ce qui concernait la suite des événements, la jeune femme préféra ne plus y penser. Appuyée contre son torse, elle bougeait ses lèvres en même temps que les siennes comme si sa vie en dépendait.

La passion qui la faisait agir avait même tendance à la faire vibrer … Ce qui était assez particulier c’était surtout le fait que c’était sa cuisse qui vibrait … ! La sensation était nouvelle pour elle et avait un nom : téléphone portable. Son portable ! Son téléphone portable sonnait, Lenny Kravitz recommençait déjà à chanter !
Elle se recula avec empressement totalement décontenancée et sortit l’appareil de sa poche puis s’éloigna un peu vers la gauche mais en restant tout de même sur la scène, laissant là le jeune homme pour lequel elle montrait tant d’attirance quelques secondes auparavant.
Quand enfin, elle raccrocha, elle rangea consciencieusement son portable dans sa poche pour se laisser un peu de temps avant d’affronter son regard.
Finalement, elle se retourna rapidement et le fixa.
« Je … » le malaise était impossible à dissimuler. Elle joua quelques instants avec ses mains, passa une main dans ses cheveux en regardant au loin puis soupira légèrement.
Elle sourit un peu en avançant à nouveau « Hé bien … il me semble que … qu’on est au point … c’est … qu’est-ce que tu en penses ? Oui tu dois penser qu’on est au point toi aussi ! Pourquoi est-ce que tu penserais autre chose de toute manière » Le fait qu’il ne bouge pas et ne dise absolument rien n’était pas du tout pour la rassurer.
Pour se donner un tant soit peu de contenance, la jeune femme ramassa son écharpe et son livre
« Je crois que c’est tout pour aujourd’hui non ? Oui hein ! on la retravaille un autre jour ? on s’appelle … je propose qu’on s’appelle, JE t’appelle plutôt »
Son regard se posa sur ses lèvres une demi-seconde. Finalement, elle n’attendit pas sa réponse et se dirigea à la hâte vers l’escalier qui lui permettait de descendre de scéne.
Une fois la porte du théâtre passée, la jeune fille s'appuya au mur blanc doucement et posa ses doigts sur sa lèvre inférieur doucement en laissant se dessinait un petit sourire ...

THE END